פרו ורבו (P’ru Ur’vu / Soyez féconds et multipliez-vous / Be Fruitful and Multiply)

Artist/e: Heidi Barkun

Commissaire / curator: Tamar Tembeck

Projet Casa, 13/10/2022-06/11/2022

Photos: Mike Patten

La version française suit

Curatorial essay by Tamar Tembeck 

What constitutes the bonds of filiation?

Who are you if you don’t know where you come from, or if you learn that your origins were fictions?

What spaces exist to redefine the roles of womanhood, and the institution of marriage, outside of the social, cultural, and religious imperatives of reproduction?

These are some of the many questions raised in Heidi Barkun’s body of work. In the exhibition פרו ורבו (P’ru Ur’vu / Soyez féconds et multipliez-vous / Be Fruitful and Multiply), Barkun confronts the taboo of infertility from both a personal and collective perspective, shedding light once again on the fact that, although it is fundamentally a private and intimate endeavour, human reproduction remains largely (bio)political, as well as subject to public scrutiny.

The new works produced for this exhibition engage with the little-known history of Projet Casa’s site, which is currently a residence and exhibition space, but was formerly a private medical clinic owned by Dr. Phineas Rabinovitch in the 1940s and 1950s. Amongst its activities, the clinic participated in a blackmarket baby adoption ring, which notably served infertile Jewish couples from across North America. Most of these babies came from unwed Catholic mothers, thereby circumventing the norms that prohibit adoption outside of one’s religion. These illicit adoption services required the complicity not only of doctors and healthcare staff, but also lawyers and rabbis who, in the interest of rendering what they deemed to be a societal service, effectively supported the expectation to be fruitful at all costs.

Upon entry to Projet Casa’s private home / exhibition space, the works presented in the room on the left address the imperatives of Jewish femininity, including the expectation of reproduction within marriage. In a nook where hangs what looks like a wedding veil, voices of the now adult children who were born in this very building resonate. Barkun interviewed five blackmarket adoptees who spoke of attempts to unearth their hidden origin stories. We hear them recount memories of their adoptive parents, Jewish couples who were struggling to conceive and found solace thanks to these adoptions.

To these new works produced for the exhibition, Barkun joins some of her earlier production, which engages with personal experiences of infertility and failed IVF treatments. On the opposite side of the hall, we are met with the suggestion of a room that has been prepared for the arrival of a newborn. The infant clothing we see hung on the wall has been reconstructed into monstrous forms, alluding to an impossible baby, or to one whose genetic manipulations are such that if it were to emerge, it would be as a chimera. 

Further down the hall, a large, deep blue, encaustic painting occupies the middle room. It is topped with 13 stones commemorating the artist’s lost embryos. A metal shelving unit in the corridor presents a genuine relic of the period when the building housed a medical clinic. 

The corridor leads to an archive room at the far end of the home, displaying materials that were sent to the artist by the son of an adoptee. We can also hear an interview between Barkun and him, as well as with a scholar of local Jewish history, in her attempt to uncover the rare information available about the space’s former activities.  

The wall leading upstairs is lined with facsimiles of four blackmarket adoptees’ birth registrations, yet this official documentation fails to reveal their true stories. No traces remain of their biological parents, and no mentions of adoption appear on their records: their existence as adoptees has been erased, as have their origins. It is information that could only be gleaned through happenstance and hearsay.

In the final room on the upper floor, which was reserved for the clinic’s medical interventions, Barkun gives voice to five grown blackmarket babies who recount the little they know of their own adoption histories. These testimonials, along with her artworks, invite us to continue to ponder the ties that bind us, beyond biology, and the grounds upon which families are made.

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Texte de la commissaire Tamar Tembeck

De quoi sont constitués les liens de filiation ?

Qui êtes-vous si vous ne savez pas d’où vous venez, ou si vous apprenez que vos origines étaient des fictions ?

Quels espaces existent pour redéfinir les rôles de la féminité, ainsi que l’institution du mariage, en dehors des impératifs sociaux, culturels et religieux de la reproduction ?

Voilà quelques-unes des nombreuses questions soulevées par l’œuvre de Heidi Barkun. Dans l’exposition פרו ורבו (P’ru Ur’vu / Soyez féconds et multipliez-vous / Be Fruitful and Multiply), Barkun affronte le tabou de l’infertilité d’un point de vue à la fois personnel et collectif, mettant une fois de plus en lumière le fait que, bien qu’il s’agisse d’une activité fondamentalement privée et intime, la reproduction humaine demeure largement (bio)politique et soumise à l’examen public.

Les nouvelles œuvres produites pour cette exposition traitent de l’histoire peu connue du site de Projet Casa, actuellement une résidence et un espace d’exposition, mais qui était autrefois une clinique médicale privée appartenant au Dr. Phineas Rabinovitch dans les années 1940 et 1950. Parmi ses activités, la clinique participait à un réseau d’adoption de bébés au marché noir, qui desservait notamment des couples juifs infertiles venant de partout en Amérique du Nord. La plupart de ces bébés provenaient de mères catholiques célibataires, contournant ainsi les normes qui interdisent l’adoption en dehors de sa religion. Ces services d’adoption illicites exigeaient non seulement la complicité de médecins et de personnel de la santé, mais aussi d’avocats et de rabbins qui, dans le but de rendre ce qu’ils considéraient être un service social, soutenaient en fait les attentes d’être fertiles à tout prix.

Dès l’entrée dans la résidence / l’espace d’exposition Projet Casa, les œuvres présentées dans la pièce de gauche abordent les impératifs de la féminité juive, notamment l’attente de la reproduction au sein du mariage. Dans un recoin où est accroché ce qui ressemble à un voile de mariée, résonnent les voix d’enfants aujourd’hui adultes qui sont nés dans ce même bâtiment. Barkun a interviewé cinq enfants adoptés au marché noir qui ont relaté leurs tentatives de déterrer leurs origines cachées. Nous les entendons raconter des souvenirs de leurs parents adoptifs, des couples juifs qui avaient du mal à concevoir et qui ont pu trouver du réconfort grâce à ces adoptions.

À ces nouvelles œuvres produites pour l’exposition, Barkun joint certaines de ses productions antérieures, qui traitent d’expériences personnelles d’infertilité et d’échecs de traitements de FIV. De l’autre côté du hall, nous sommes confrontés à la suggestion d’une chambre préparée pour l’arrivée d’un nouveau-né. Les vêtements de bébé que nous voyons accrochés au mur ont été reconstruits en formes monstrueuses, faisant allusion à un bébé impossible, ou à un bébé dont les manipulations génétiques sont telles que s’il devait émerger, ce serait sous forme de chimère.

Plus loin dans le hall, une grande peinture à l’encaustique d’un bleu profond occupe la pièce centrale. Elle est surmontée de 13 pierres commémorant les embryons perdus de l’artiste. Dans le couloir, une étagère métallique présente une véritable relique de l’époque où le bâtiment abritait une clinique médicale.

Le couloir mène à une salle d’archives située à l’arrière de la maison, où sont exposés des documents envoyés à l’artiste par le fils d’un enfant adopté. On peut également entendre un entretien entre Barkun et lui, ainsi qu’avec un spécialiste de l’histoire juive locale, dans sa tentative de découvrir les rares informations disponibles sur les activités antérieures de ce lieu.  

Le mur menant à l’étage est tapissé de fac-similés d’actes de naissance de quatre adopté.e.s du marché noir. Pourtant, cette documentation officielle ne révèle pas leurs véritables histoires. Il ne reste aucune trace de leurs parents biologiques, et aucune mention d’adoption ne figure sur leurs dossiers : leur existence en tant qu’adopté.e.s a été effacée, tout comme leurs origines. Ce sont des informations qui n’ont pu être glanées que par hasard et par ouï-dire.

Dans la dernière pièce à l’étage supérieur, qui était réservé aux interventions médicales de la clinique, Barkun donne la parole à cinq bébés adultes du marché noir qui racontent le peu qu’ils savent de leurs propres histoires d’adoption. Ces témoignages, ainsi que les œuvres de l’artiste, nous invitent à continuer de réfléchir aux liens qui nous unissent, au-delà de la biologie, et aux bases sur lesquelles les familles sont constituées.